La nuit fut vraiment bruyante, il faut que je revois mes critères de location. Le premier bémol est qu'il n'y a pas de douche dans la chambre. Le deuxième est le fait que franchement les voisins sont étranges. Ils tapent contre les murs, hurlent, parlent seul, les portes claquent à tout va toute la nuit et le pire, c'est qu'ils n'entendent rien de leur propre bruit. J'ai même surpris ma voisine de pallier uriner dans le couloir.
Et là une partie de mon cerveau me dit : « bon écoute Linda, on va peut-être arrêter de se marrer 5 min quand même. Tu es à l'hôpital et le bon sens voudrait que tu pleures, que tu paniques et surtout que tu te plaignes. »
Cette partie de mon cerveau a en partie raison car des fois je me demande si je réalise vraiment ce qui m'arrive quand je vois mon état d'esprit ! Mais oui je réalise, j'ai juste décidé de vivre et de voir les choses autrement. Alors oui on va pas se mentir, il y a des matins où j'ai échafaudé un plan de sortie définitive de ma vie, mais en fin de compte ce n'est pas juste.
Je suis une force de la nature, je suis méga talentueuse et clairement je manquerai à la planète. Je manquerai pour mes qualités personnelles et bien sûr professionnelles ! Manquer à la planète : je précise que je dis cela sans aucune prétention, je suis entièrement convaincu de ce que vous venez de lire. Donc oui c'est du gâchis que j'échafaude ce plan de sortie de route, la vie mérite de m'avoir et je mérite une vie heureuse et en pleine santé.
Ce qui va suivre est un enchaînement de phrases qui peuvent sembler bateaux, mais pourtant je pense que c'est quand on a un peu goûté à la possibilité de mourir que l'on se rend compte à quel point on veut vivre, à quel point cette vie que l'on vivait juste comme ça sans gratitude aucune et bien on donnerai tout pour la retrouver et maintenant la savourer à sa juste valeur. Mais pour cela il faut comprendre le scénario que l'on répète sans se lasser.
Cela me rappelle tous les 1er janvier à Ouagadougou et cette phrase que l'on entend 400 fois dans la journée : « je te souhaite la santé avant tout ». Et je me revois encore avec mon air de « j'ai tout compris à la vie » répondre : « mais non moi je veux l'argent et la santé on verra après ». Je n'avais encore rien compris. Ben oui Linda si tu n'as pas la santé tu fais comment ? Ben oui explique moi comment tu génères un chiffre d'affaire si tu es couchée ? J'ai bien compris ma leçon, j'ai fais 6 mois sans chiffre d'affaires.
Bref je suis à l'hôpital, j’attends là en regardant le plafond, que l'on me donne un nom à mettre sur mon état. Mais je ne suis pas angoissée, je suis pressée. Il faut dire aussi que j’attends que quelqu'un se décide à m'envoyer dans un service spécialisé depuis 8 mois, donc bon ceci explique peut être le sentiment d'impatience.
Ce qu'ils vont m'annoncer cette semaine restera à l'extérieur de moi. Je vais écouter et remercier, mais je n'en ferai pas ma vérité, j'ai un autre plan pour ma vie moi. J'ai du fun à vivre et à revendre, bon certes dans cet état je ne peux pas, mais la vie va revenir.
Une autre chose me tient aussi et je dirais que c'est ce qui me tient à 95 % : c'est Mémé.
Alors Mémé n'existe plus dans votre monde, mais dans le mien elle est là tous les jours et son amour est juste insolent. Sa présence est quotidienne et nécessaire. Et puis avec Mémé qu'est ce que l'on se marre. Elle avait dit la semaine dernière qu'à l'hôpital, il y aurait une infirmière avec un prénom en A : « Julie » ! Oui, nous aussi on lui a demandé d'arrêter de se foutre de nous avec son alphabet frelaté ! Après ça, elle a voulu nous sortir un prénom avec un A, mais on sentait que c'était approximatif : « Ana ».
Elle me décrit physiquement la personne, j'imprime ça dans ma tête et me rappelle que ces femmes seront vraiment des alliés à l'hôpital pour moi. Alors tranquille le midi je me pointe dans le service et une jeune infirmière arrive pour m'installer dans la chambre, elle s'appelle Julie. Celle du soir s'appelle Angelina, je trouve pas ça trop déconnant avec Ana.
Quand on me demande de décrire ma vie actuelle pour qu'ils comprennent ce que j'ai, je ne sais même pas comment leur décrire. En fait je ne vis pas, je survis. Tout le monde parle de confinement dehors, ce mot m'énerve, moi je suis confinée dans mon corps depuis 8 mois et on ne me donne pas d'attestation de sortie de ce corps malade. Tout ce temps je continue à travailler, je suis coach et psychologue. Les médecins et l'entourage me disent d'arrêter. Moi ce qui me tient en vie c'est mon boulot. J'utilise le peu d'énergie qu'il me reste pour mettre les autres en énergie , c'est vrai que c'est assez risible mais pourtant vrai. J'offre de véritables transformations à ces femmes qui ne se rendent pas encore compte de la beauté de leur vie et du pouvoir qu'elles ont sur la vie et leur futur.
Ce que j'ai compris en devant me coller le postérieur dans un lit pendant 8 mois (que je n'aurai pas compris autrement) : cette maladie est le résultat de ma vie, de ma survie, de ma bataille, de ma compréhension erronée de la vie.
J'ai deux choix aujourd'hui : décider de vivre ou me laisser mourir car c'est trop dur.
Je suis le résultat physique de ce que tu ne veux pas être donc ne le deviens pas.
Je suis en revanche, le résultat de ce que tu veux comprendre et intégrer sans passer par l'étape autodestruction du corps.
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